Il est des goûts et des souvenirs qui ne s’effacent jamais. Celui d’une famille affamée, attablée autour d’une table en formica un matin de dimanche de Pâques, a laissé dans ma mémoire une empreinte indélébile. Des pastoureaux en pyjama, encore tout engourdis de sommeil, surveillaient du coin de l’œil un troupeau d’agneaux blancs, sagement rangé au centre d’une prairie marbrée de sucre glace : la nappe familiale.
Le dilemme pascal du jour n'était autre que celui-ci : commencer par décapiter la bête, la trancher en deux dans le sens de la longueur ou lui ôter l’arrière-train ? Joyeuses préoccupations de nos enfances printanières…
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Piqué de sa bannière vaticane |
Dans la tradition alsacienne, ce Lamala (ou Osterlamala), qui signifie « petit agneau de Pâques », se partage au petit-déjeuner du dimanche de Pâques en tant que symbole chrétien : le Christ, assimilé à l’agneau sacrifié.
Le fiancé offrait autrefois un Lamala à sa bien-aimée, et l’on en donnait également aux enfants à leur retour de la messe pascale. Cette coutume, attestée dès 1519, permettait aussi aux boulangers et aux ménagères de liquider les œufs accumulés durant le Carême — période d’abstinence où leur consommation est prohibée, même si les poules, elles, n’ont jamais été concernées par nos étranges prescriptions divines…
Heureuses gallinacées.
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Moule traditionnel en terre cuite |
Le Lamala – qui ne se prononce pas tout à fait comme il s’écrit – se déguste en tranches généreuses, le plus souvent au petit déjeuner, trempé jusqu’à saturation dans un café au lait ou un thé bien chaud.
Pour respecter la tradition, il convient d’utiliser le moule traditionnel en terre cuite en forme d’agneau couché. Mais si vous n’en possédez pas (ce qui est fort probable), un moule vertical fera très bien l’affaire : l’essentiel est que la pâte puisse gonfler librement pour développer sa mie légère et dorée.
Attention, cette pâte est particulièrement collante ! Il est donc essentiel de beurrer et fariner le moule avec soin, sous peine de sacrifier votre agneau au fond du moule. Ce serait péché.
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INGRÉDIENTS
- 3 œufs moyen/gros
- 55 g d'eau chaude
- 1 c. à café de cognac (facultatif)
- 150 g de sucre (réserver 30g pour les oeufs en neige)
- 1 sachet de sucre vanillé
- 100 g de farine
- 50 g de fécule
- 1 c. à thé (3 g) de levure chimique
- 1 pincée de sel
- le zeste d'un demi-citron, citron vert ou orange (facultatif)
- Sucre glace pour la décoration
PRÉPARATION
Préchauffer le four à 390ºF (200ºC)
- Séparer les jaunes des blancs d’œufs.
- Mélanger le sucre et le sucre vanillé.
- Tamiser ensemble la farine, la fécule, le sel et la levure.
- Beurrer correctement les deux parties du moule avant de les assembler. Fariner en insistant sur la partie des oreilles et de la tête, et tapoter pour enlever l'excédent.
- Dans le bol du mélangeur, battre les jaunes avec l'eau chaude et ajouter le cognac, les sucres et les zestes de citron. Fouetter jusqu'à obtenir une masse pâle et crémeuse ayant doublé ou triplé de volume.
- Dans un autre bol, fouetter les blancs d’œufs en neige.
- Lorsqu'ils comencent à mousser, ajouter les 30g de sucre.
- Déposer les blancs sur la masse des jaunes d’œufs et plier délicatement.
- Tamiser par-dessus le mélange farine et fecule, et plier jusqu'à obtenir une pâte homogène.
- Verser la pâte dans le moule - en s'assurant de bien remplir la tête -, jusqu'à 2 cm du rebord. La pâte gonfle à la cuisson et devrait former une base rebondie.
- Enfourner pour environ 40 minutes, vérifier la cuisson avec un pic qui doit ressortir sec.
- Laisser refroidir avant de démouler et servir saupoudré de sucre glace.
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Encore une recette qui nous fait voyager dans le temps.
Un petit matin lointain, doucement ensoleillé, où l’on dévalait le jardin en pyjama, à la recherche des œufs de Pâques qu’un lapin, visiblement pondeur, aurait abandonnés en route pour Rome, porté par des cloches volantes.
Il faut bien admettre que certaines traditions donnent à penser que la drogue sévissait bien avant l’ère moderne...
Ce biscuit aérien a la fâcheuse tendance à se dessécher rapidement. Pour en préserver le moelleux, mieux vaut le glisser sous cloche ou l’emballer soigneusement avant de le croquer.
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